Circonspects et parfois incrédules. Telles ont été les réactions des industriels des conserves de poissons face aux résultats de l’enquête dévoilés ce mardi 29 octobre par les ONG Bloom et Foodwatch. A la faveur de tests réalisés sur 148 boîtes de thon, les organisations ont découvert que 100 % d’entre elles étaient contaminées au mercure et que plus de la moitié dépasse la limite maximale la plus stricte pour les poissons (0,3 mg/kg). Pire, plus de 10 % des boîtes présentaient une contamination au mercure supérieure à 1 mg/kg, soit le seuil réglementaire défini par l’Europe pour le thon.
Des résultats (très) éloignés du seuil réglementaire
Face au tollé provoqué par les découvertes des ONG, la rédaction a pris contact avec différents industriels du thon. Lesquels n’ont pas manqué de défendre leur ligne. A commencer par la marque Petit Navire, dont l’une des conserves de thon analysée par les ONG présentait le triste record de 3,9 mg de mercure par kg. Cet acteur majeur du thon en grande distribution affirme ainsi avoir effectué 270 contrôles au cours des trois dernières années. Des contrôles « réalisés par ou avec le support de laboratoires indépendants et accrédités par les autorités sanitaires françaises et européennes ». Et dont les résultats n’ont jamais révélé de taux de mercure supérieurs aux normes. « Ils sont en moyenne compris entre 0,2 et 0,3 mg/kg, soit 70 à 80 % de moins que la limite autorisée », a indiqué la marque.
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Des niveaux similaires sont mesurés au sein de la conserverie Chancerelle, qui distribue notamment les marques Connétable en grande distribution, Pointe de Penmarc’h et Phare d’Eckmühl en magasins bio. « Sur 10 ans, nous avons réalisés à peu près 450 analyses sur la matière première ainsi que sur les produits finis », explique Jean-François Feillet, directeur qualité de la conserverie, « 100 % des résultats sont conformes et la moyenne des résultats que l’on obtient sur les produits finis se situe entre 0,2 et 0,3 mg/kg pour une norme à 1 mg/kg ».
Une autre marque distribuée en magasins biologiques, Fish4Ever, a répondu à nos questions. L’entreprise nous a même transmis les résultats des tests qu’ils mènent sur leurs thons, une fois mis en conserve. Lesquels présentent des niveaux de mercure encore plus éloignés du seuil réglementaire : « la moyenne sur ces deux années est seulement de 0,17 mg/kg (…) ceci est non seulement bien en dessous des 1 mg/kg réglementaires mais aussi en dessous de la limite des 0,3 mg/kg (appliquée à tous les poissons) », a commenté l’entreprise.
Des concentrations différentes selon la taille des thons
Plus largement, les professionnels de la filière du thon en conserve, réunis au sein de la Fédération Interprofessionnelle des Aliments Conservés (FIAC), assurent conduire des centaines d’analyse chaque année sur leurs produits et partager leurs résultats avec l’institut technique de la Confédération des industries de traitement des produits des pêches maritimes et de l’aquaculture (CITPPM). Ici, il s’agit de mieux les mutualiser pour les communiquer aux autorités sanitaires françaises. « À ce jour, cette base compte plus de 2 700 résultats d’analyses collectés depuis huit ans au niveau français. La teneur en mercure se situe en moyenne à 0,2 mg/kg », note la FIAC.
Ces moyennes peuvent néanmoins cacher des disparités, reconnaît volontiers Jean-François Feillet, par ailleurs président de la CITPPM : « Les gros (thons) Albacore sont des poissons pouvant être plus contaminés au mercure que les listao qui sont de plus petite taille. Pour la marque Phare d’Eckmühl par exemple nous commercialisons plutôt des listao et les Albacore que l’on choisit sont de taille moyenne », précise-t-il.
Reste que les résultats obtenus sont ainsi très en deçà de ceux diffusés par les ONG Bloom et Foodwatch. Pour Jean-François Feillet, c’est plutôt en direction du laboratoire choisi par les ONG (à savoir l’Institut des Sciences Analytiques et de Physico-Chimie pour l’Environnement et les Matériaux) qu’il faut regarder : « On ne connait pas ce laboratoire d’analyse. Il n’est pas accrédité, ce qui est en général un facteur de garantie concernant la réalisation des analyses, mais c’est problématique d’avoir une mise au ban d’un certain nombre de produits sur la base de résultats qui sont pour nous inexacts ».