Tout était entre les mains du Gouvernement, mais celui-ci ne viendra pas davantage (ou presque) en soutien de l’agriculture biologique. Lundi 6 novembre dernier, à l’initiative de Sandrine Le Feur (député Renaissance du Finistère et agricultrice engagée en bio), 46 députés issus de 7 groupes politiques différents sont parvenus à faire adopter un amendement transpartisan réclamant une aide d’urgence de 271 millions d’euros afin de soutenir la filière bio dans le contexte difficile qu’elle est amenée à traverser. En l’état, l’amendement prévoyait une répartition de la somme entre la filière lait (71 millions d’euros), la filière porc (30 millions d’euros), les grandes cultures (110 millions d’euros), et la filière fruits et légumes (60 millions d’euros).
Las, il n’en sera rien, la mesure vient d’être retoquée par le Gouvernement. En effet, lors des débats à l’Assemblée nationale portant sur le second volet du projet de Loi de Finances 2024, la première ministre Elisabeth Borne a déclenché pour la 16e fois l’article 49.3 de la constitution, engageant la responsabilité de son gouvernement sur cette deuxième partie du projet de budget 2024, et coupant court aux discussions sur le texte.
Le Gouvernement, qui avait ainsi les mains libres pour retenir ou non les amendements adoptés dans le cadre des débats, a choisi d’écarter l’amendement réclamant une aide d’urgence à la bio. Ce faisant, il vient doucher les espoirs nourris par une grande partie de l’écosystème de la bio en France. Et suite à ce revirement de situation, Mme la député Sandrine Le Feur a exprimé le fond de sa pensée dans un post sur LinkedIn se disant « outrée » de voir l’amendement ainsi « évincé » (…), « La balle est désormais entre les mains du Sénat. Le gouvernement saura-t-il écouter ? », interroge-t-elle par ailleurs.
Un appel à “la responsabilité” lancé au gouvernement
Diverses organisations professionnelles de la bio avaient salué l’adoption de l’amendement initié par la député Sandrine Le Feur, à commencer par Forebio, la Coopération agricole, la Fnab et le Synabio qui avaient estimé qu’il s’agissait là de la traduction « du souhait des parlementaires de tous bords politiques de soutenir la filière bio », les remerciant dans la foulée « pour ce choix engagé et juste », et appelant à la « responsabilité du gouvernement dans l’exercice du 49.3 », ainsi qu’à « prendre en considération (la volonté des élus), et montrer son soutien aux professionnels de la bio ».
Toutefois, dans un communiqué de presse, La Maison de la Bio qui fédère pour sa part Cosmebio, Forebio, Natexbio, Synabio, Synadiet et Synadis Bio, ne cachait pas sa crainte que l’amendement « soit ignoré dans la version finale de la loi, car le gouvernement préfère utiliser l’article 49.3 une nouvelle fois pour contourner l’organe législatif ». Pour La Maison de la Bio, si le gouvernement veut atteindre son objectif de 18 % de la Surface Agricole Utile (SAU) dédiée au bio d’ici 2027, comparé aux 10,3 % actuels, « il doit passer à l’action sans plus tarder », exigeant « que le gouvernement redresse la barre immédiatement ».
Bien conscient de la panne que connait le bio en France, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau avait pour sa part insisté sur la principale cause de ce coup de frein : la demande, qu’il entend notamment stimuler par l’accroissement des fonds alloués à l’Agence Bio pour communiquer autour de la bio, mais aussi par la commande publique.
Comme une (maigre) compensation, si l’aide de 271 millions d’euros n’a pas été validée, le Gouvernement a donné son feu vert pour un budget de 5 millions d’euros pointés vers les innovations technologiques des agriculteurs, logiciels ou diagnostics des sols, face aux aléas climatiques, selon un amendement Horizons de Lise Magnier.
Article mis à jour le 10/11/2023