L’agribashing, ça suffit ! Pressé par les syndicats agricoles majoritaires, le ministère de l’intérieur annonçait fin 2019 la création d’une cellule baptisée Demeter (du nom de la déesse grecque de l’agriculture) dont l’objectif affiché visait à « lutter contre l’agribashing et les intrusions dans les exploitations », selon Christophe Castaner, détenteur à l’époque du maroquin.
Les promoteurs du bien-être animal dans le viseur
Haro autrement dit sur les agressions supposées des associations de protection de l’environnement et autres tenants de la cause animale. « Dans plusieurs départements, rapportent nos confrères du quotidien Le Monde dans une enquête publiée le 27 décembre, des observatoires de l’agribashing ont été créés dans la foulée, rassemblant les services du préfet, de la gendarmerie, du renseignement territorial, du parquet et des syndicats agricoles ».
Cinq ans plus tard, qu’en est-il des résultats de cette initiative ? C’est la question que s’est posée l’ONG Aria qui travaille de concert avec les journalistes et les organisations de la société civile pour enquêter sur les abus en matière d’environnement.
Aucune remontées terrain depuis les territoires
L’ONG a saisi une dizaine de préfectures dans le Grand Ouest, des territoires sélectionnés pour accueillir de nombreux élevages, afin de collecter les données accumulées sur l’agribashing depuis la mise en place de la cellule Demeter. Résultat des courses : sur les six préfectures ayant accepté – de plus ou moins bon gré – de répondre, pas une n’a été en mesure de fournir des éléments permettant de quantifier le phénomène.
De là à dire qu’il est fantasmé ? Une chose est certaine : les forces de police disposent depuis cinq ans d’un outil dédié pour faire la chasse aux écolo soi-disant assoiffés de violence et elles n’en ont rien fait. Et surtout, elles n’ont aujourd’hui rien à en dire.
Cité par Le Monde, le département d’Ille-et-Vilaine (35) répond qu’« Il ne s’est rien passé sur l’observatoire de l’agribashing depuis [s]a mise en place, en 2020. (…) Aucun cas n’a été signalé ». En Mayenne (53), « l’observatoire de l’agribashing ne s’est pas réuni durant la période concernée ». Et dans la Sarthe (72), « aucune réunion de l’observatoire de l’agribashing ne s’est tenue dans le département ». Accablant…
Les demandes du Monde laissées sans réponse
« Certes, des délits ont été commis dans les exploitations, rapporte le Canard enchaîné dans son édition du 31 décembre, mais rien que les vols de poules habituels, ou du vandalisme ordinaire ». Incrédule, le journal Le Monde, s’est même fendu de deux demandes supplémentaires : la première à la gendarmerie nationale pour obtenir un bilan chiffré des actions menées par la cellule Demeter (nombre d’interpellations, de condamnations, etc.). Aucune réponse n’a été fournie au quotidien.
La seconde a été adressée à Xavier Breton, député LR, qui en 2021 a produit un rapport parlementaire rapportant une cinquantaine d’actes de dégradation en 2019, motivés par des raisons « idéologiques ». Ardent défenseur d’une répression plus sévère des éventuelles actions menées à l’encontre du monde agricole, ce dernier n’a pas non plus daigné répondre.
Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage
Déjà au moment d’installer la cellule, le gouvernement restait sourd aux demandes de chiffres qui auraient pu justifier la mise en place d’un tel dispositif, s’agace Antoine Gatet président de France Nature Environnement (FNE). Interrogé par Le Monde, il explique : « Lorsque le ministère de l’intérieur a annoncé la création de cette unité avec des mots catastrophistes donnant l’impression que des actions militantes violentes contre les agriculteurs étaient en augmentation exponentielle, nous avons immédiatement demandé les chiffres qui fondaient un tel discours, raconte. Nous n’avons jamais reçu la moindre réponse ».
Pour la transparence, on repassera. Tout porte à croire donc que pour faire plaisir aux syndicats agricoles majoritaires, le pouvoir en place ait accepté d’inventer une menace qui n’existe pas. Et annoncé dans la foulée la mise en place de moyens répressifs qui n’ont jamais vu le jour.