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[ANALYSE] Bousculés par l’ascension des GMS dans le bio, les spécialistes contraints de se réinventer

Mis à jour le 13 septembre 2021
[ANALYSE] Bousculés par l’ascension des GMS dans le bio, les spécialistes contraints de se réinventer

C’est une tendance qui s’est accélérée ces dernières années. L’offensive des enseignes de la grande distribution sur le bio donne du fil à retordre aux réseaux spécialisés, qui peu à peu, perdent du terrain dans la bataille pour séduire les consommateurs français. Pour l’heure, les ventes en magasins spécialisées continuent de croître, portées – notamment – par un contexte de marché favorable, l’Agence Bio ayant en effet estimé le rythme de croissance du secteur à 13,4% et 2019. Pour autant, les spécialistes ne sont pas les premiers bénéficiaires de l’appétence toujours plus forte des Français pour les produit labellisés « AB ».

Dans le cadre d’une allocution au salon Natexpo le 21 septembre dernier, Adrien Weitzman, directeur des études pour l’agence Good a exposé trois raisons majeures pouvant expliquer le coup d’avance de la grande distribution : « les prix des produits biologiques y sont moins élevés, l’offre bio augmente tous les ans, et de plus en plus de consommateurs ‘mixtes’ achètent leurs produits à la fois en GMS et en magasins spécialisés ». S’agissant des prix tout d’abord, le fait le plus saillant concerne des écarts importants sur certaines marques dont les produits sont commercialisés à la fois en magasins spécialisés et en GMS. Et pour lesquelles il est, a fortiori, aisé de comparer les prix. Parmi tous les univers de produits, celui de la nourriture infantile est un bon exemple. « Tous les leaders de la babyfood bio se trouvent dans les deux réseaux de vente. C’est le cas de Babybio, qui est en moyenne vendue 20% moins cher en grandes surfaces que chez les spécialistes. Dans l’esprit du consommateur, ça jette un doute sur la validité des prix dans les réseaux spécialisés », indique Adrien Weitzman.

Plus frappant encore, s’agissant des produits consacrés aux repas du soir pour les bébés, les prix peuvent varier du simple au double entre un produit de marque nationale bio vendue dans une enseigne spécialisée, et une MDD bio de GMS. Résultat, les performances de ventes dans les rayons bébé des distributeurs spécialisés descendent en flèche. Selon l’agence Good, entre 2017 et 2020, les ventes y ont ainsi chuté de 45%, quand dans le même temps, elles ont progressé de 107% en GMS.

L’essor de l’offre bio en GMS

A rebours de ce constat, le rayon consacré aux farines fait plutôt figure de résistant. Dans ce cas, plus que l’indicateur prix, c’est la structure de l’offre qui fait la différence entre les spécialistes et la GMS. En effet, tandis les farines commercialisées chez ces dernières sont à 90% issues du blé, dans les enseignes spécialisées, elles ne représentent qu’un tiers de l’offre.

Aussi, parmi les 40 références de farines vendus en grandes surfaces – c’est une moyenne -, 4 seulement sont labellisées « AB », contre 18 chez Biocoop, La Vie Claire, naturéO et consorts. Toutefois, il faut préciser que cet avantage relatif à une forme d’exclusivité d’une partie de l’offre bio des spécialistes, pourrait bien être en sursis. La raison ? Depuis plusieurs années, les grands retailers à travers leur MDD et les marques conventionnelles développent à tour de bras des produits labellisés « AB ». « En 2019, le nombre de références bio en GMS a progressé de 28%, et de 25% en 2020 », note le directeur des études de l’agence Good.

Cette progression de l’offre de produits bio chez les généralistes a un effet incitatif sur les consommateurs. Cela pourrait sonner comme une évidence, mais certains clients sont donc plus enclins à faire tous leurs achats sous le même toit. C’est d’autant plus vrai pour les consommateurs dits « mixtes ». Et comme l’indique Adrien Weitzman, « plus de la moitié des clients qui vont au moins une fois par mois dans les réseaux spécialisés réalisent aussi des achats chez les généralistes ». La génération Y pourrait même accentuer cette tendance du fait de son hyper connectivité au numérique, le digital étant un facilitateur de comparaison des prix.

Inciter les clients à dépenser davantage

Face à la progression des généralistes sur le bio, les enseignes spécialisées n’ont pas vraiment d’autre choix que de s’adapter, et de trouver des leviers d’action pour tenter d’endiguer un phénomène qui pourrait encore s’accentuer. Pour Sauveur Fernandez, consultant et fondateur de l’Econovateur, il faut réussir à amener les clients des réseaux spécialisés « à dépenser davantage dans les magasins. De la même manière qu’Apple n’a pas la plus grosse part de marché, mais est devenue l’entreprise la plus riche au monde en faisant payer ses produits plus chers », a-t-il expliqué dans le cadre d’une conférence organisée sur le salon Natexpo.

Aussi, selon ce dernier, il faut travailler sur le design des magasins, qualifiés pour certains de « boîtes à chaussures », afin de les rendre plus attractifs. Un travail sur l’offre pourrait être nécessaire, pour proposer davantage d’exclusivités, et capitaliser sur des produits artisanaux fabriqués à partir de process simples et basiques, qui mettent en avant les terroirs. Il s’agira aussi de mettre l’accent sur la communication relative à la provenance et à l’origine des produits, leur mode de fabrication, etc. Un autre bon moyen de se différencier pourrait aussi se trouver dans la promotion de labels dédiés aux circuits bio, qui s’adressent aux consommateurs -très- avertis, « a contrario du label Bio.Français.Equitable de la Fnab qui démarre sa carrière chez Picard, ou du label Bio Equitable en France qui est présent en GMS ».

Combler le retard sur l’e-commerce

Autre champ d’action identifié par le fondateur d’Econovateur, la vente en ligne. « La Covid-19 a accéléré la bio à se mettre à l’e-commerce, mais le secteur est très en retard par rapport aux généralistes. La bio est à la phase 1 de la vente en ligne, tandis que les GMS en sont déjà à la phase 4 ». Il est vrai que dernièrement, plusieurs acteurs de la distribution spécialisée ont investi le Web marchand. Depuis les Nouveaux Robinson, en passant par Biocoop, Les Comptoirs de la Bio ou encore naturéO, avec toutefois des degrés de maturité différents, des investissements variables et des approches stratégiques parfois divergentes.

Aussi, les enseignes devront aller plus loin dans leurs engagements qui structurent la philosophie de la bio. Aujourd’hui, le Synadis en compte 5 : des magasins 100% spécialisés bio, aucun fruit et légumes issu de serres chauffées, lutter contre les emballages, mettre en place des modes de transports plus écologiques, et des relations éthiques avec les partenaires. « Parmi ces cinq socles, seuls les deux premiers sont vraiment uniques », relève Sauveur Fernandez. Selon ce dernier, l’agriculture biologique va en outre devoir s’intéresser aux nouvelles méthodes ou pratiques agricoles émergentes telles que l’agroécologie, la permaculture, la biodynamie – qui n’est pas à proprement parler une pratique nouvelle -, le retour des semences paysannes, ou encore l’élevage de races animales rustiques.

Enfin, pour résister à la GMS, il pourrait être utile de capitaliser sur la conjugaison des forces : « l’heure est à la reconstruction d’un maillage local interdépendant, intégrant paysans, ‘faiseurs’, et distributeurs sous formes de filières longues, allant de la micro-ferme jusqu’aux exploitations et PME à taille humaine », explique Sauveur Fernandez. Travailler de pair avec les divers acteurs de la bio en France pour continuer de marquer sa différence, apporter plus de valeur ajoutée pour justifier d’écarts de prix parfois troublants pour le consommateur, imaginer de nouveaux modèles économiques pour embrasser des valeurs nouvelles, bref, se transformer en laboratoire d’idées et de progrès, seront probablement les composantes clés d’une voie à suivre pour les enseignes spécialisées, si elles veulent asseoir leur pérennité sur une base solide.

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François Deschamps
Rédacteur en chef de Plan Bio
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